Tribune. La loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), votée en première lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat le 12 février, dont l’un des objectifs est de « replacer les entreprises au centre de la société », est une des pièces maîtresses de la politique « pro-business » du gouvernement d’Emmanuel Macron. Outre des mesures censées « libérer les entreprises », telles que le relèvement de certains seuils sociaux, et la privatisation d’Aéroports de Paris, Engie et la Française des jeux, la loi Pacte banalise le statut et la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), pour en faire une entreprise financière ordinaire.
La CDC assurerait le contrôle d’un futur « pôle financier public » créé à la suite d’un jeu de Monopoly : en échange du contrôle majoritaire au capital du groupe La Poste, la CDC doit céder sa filiale CNP Assurances, premier assureur français, à La Poste via La Banque postale. Cette opération capitalistique aboutirait à la création d’un vaste ensemble regroupant la CDC, la Banque des territoires, La Poste, La Banque postale, CNP assurances, BPI France, la Société de financement local… avec un bilan de 1 000 milliards d’euros.
Mais peut-on honnêtement qualifier ce groupe de « pôle financier public » comme le fait le gouvernement, alors que la gouvernance de ce futur géant public va s’aligner sur les « standards » de l’industrie financière en Europe et dans le monde ?
Les économistes, tout comme la simple observation des faits, ont montré depuis longtemps que les marchés financiers obéissent à une logique de rendements de court terme. Comment ne pas être inquiet de la transformation de la CDC en une entreprise gérée selon des « standards » de marchés bien éloignés des besoins d’investissement à long terme ? Investir à long terme, c’est répondre à la transition écologique, aux aspirations à plus de cohésion sociale et territoriale portés par les mouvements sociaux de ces derniers mois ! Investir à long terme, c’est développer les services publics dans les territoires : santé, transport, logement, éducation, énergie…
Missions publiques fondamentales
Au contraire, cette transformation pourrait bien sceller le sort des missions publiques fondamentales de la CDC. Rappelons que celle-ci gère plus de 300 milliards d’euros issus de l’épargne populaire des ménages (Livret A, Livret de développement durable et solidaire, Livret d’épargne populaire). Grâce à cette ressource, et à d’autres formes d’épargne, la CDC finance aujourd’hui plus de 70 % de la construction et de la rénovation énergétique des logements sociaux et joue un rôle-clé dans le financement des infrastructures et des équipements d’intérêt général. La CDC contrôle également des filiales telles que CDC Habitat (premier bailleur social du pays) et Transdev (second groupe de transports publics derrière Keolis).
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